#ChallengeAZ : B comme Bail
Lorsque j’ai approfondi ma
branche landaise l’an dernier, en rédigeant le mémoire pour mon D.U de
généalogie, j’ai regretté de constater que très peu d’entre eux étaient
propriétaires de leurs terres. En effet, d’extraction modeste, mes ancêtres
landais étaient le plus souvent qualifiés de « colons ». Ce terme
n’est pas ici en rapport avec les colonies, mais se rapporte à une forme de
métayage commune dans le sud-ouest de la France.
Dans son ouvrage consacré aux « Ancêtres paysans », Marie-Odile Mergnac donne la définition suivante : "Paysan qui loue une terre cultivable et qui paie en nature, en quelque sorte un métayer. Ce terme s'utilisait surtout dans le sud du Poitou et en Limousin."
Je peux ajouter que cette appellation est également très répandue dans les Landes, puisque tous mes ancêtres landais ou presque sont des « colons ».Le site internet de l’Association
Gen&O, généalogie basque et béarnaise présente
un article très instructif sur ce sujet : https://www.geneoweb.fr/metayage-colonage-et-archives/
Le bail à colonage est une variante du métayage. Le métayage est une association entre deux personnes, l'une fournissant le bien (la terre, la métairie) et les outils, l'autre, la force de travail, pour une exploitation partagée. Le métayer peut payer le propriétaire en argent (résultat de la vente de la récolte), alors que le colon va lui donner une part en nature, selon les conditions fixées dans le contrat (bail à colonage).
Le bail est passé devant notaire. Pour retrouver ces contrats, il est utile de consulter les archives de l’enregistrement, et plus particulièrement la table des baux. Pour cela, il faut tout d’abord identifier le bureau d’enregistrement compétent, en fonction du lieu de résidence du notaire ayant passé l’acte.
Par exemple, en consultant la
table des baux du canton de Saint Sever pour la période 1819-1859 (1), j’ai
trouvé la trace d’un bail conclu par mon ancêtre Antoine DIRIS pour un
« bien de Coutelas, à Coudures ».
Ceci m’a permis de retrouver ce
bail dans les minutes notariales de maître Beaumont, notaire à Monségur(2).
En 1855, Antoine a conclu ce bail
avec Pierre MOHY, pour une métairie au Coutelas, située « à Coudures et
Serres-Gaston », à la limite des 2 communes. Il s’agit d’un
« bail à fesande », c’est-à-dire un contrat de métayage, « à
part de fruits », où les récoltes sont partagées entre le bailleur
propriétaire et le métayer, selon des modalités très précises indiquées dans le
bail.
Dans le recensement de Coudures de 1856(3), Antoine DIRIS et sa famille sont indiqués comme résidant au bourg, dans un logement qu'ils partagent avec ce même Pierre MOHY, laboureur, qui doit être le propriétaire.
Pourtant, en examinant l’acte de naissance de son fils Jean né en août 1856, je constate qu’il est né « à Coutelas » ce qui indiquerait que la famille s’est bien installée à la métairie du Coutelas objet de ce bail.
Le bail entre Pierre MOHY et Antoine DIRIS répond aux caractéristiques d'un bail à colonage (ou à fesande). Il est conclu pour une période de 3 ans, durant laquelle « ledit preneur promet et s’oblige de rester sur la dite métairie avec sa famille pendant les trois années ci-dessus fixées ». Il y est dit explicitement que celui-ci doit « gouverner le tout comme doit le faire un bon père de famille. ». Toutes les conditions régissant le bail sont détaillées dans la transcription de l’acte ci-après, où l'on voit bien toutes les contraintes à respecter par le colon, et le peu de marge de manœuvre laissé par le bailleur.
[1] Par
devant M[aîtr]e Jean Marcelin Beaumont, notaire à la
[2] la
résidence de Monségur, canton de Hagetmau, second arrondisseme-
[3] ment
du département des Landes, soussigné, présens les
[4] témoins
ci-après susnommés :
[5] fut
présent :
[6] S[ieu]r
Pierre Mohy dit Coutelas, propriétaire cultivateur,
[7] demeurant
en la commune de Coudures,
[8] lequel
nous a déclaré donner et concéder par ces
[9] présentes,
à titre de bail à fesande ou part de fruits, pour
[10] trois
années entières et consécutives à partir d’aujourd’hui
[11] même
dix janvier mil huit cent cinquante-cinq,
[12] à
S[ieu]r Antoine Diris, cultivateur colon sur la
[13] métairie
de Noubon, en ladite commune de Coudures,
[14] ici
présent et acceptant, savoir :
[15] Le
petit bien rural appelé de Coutelas, appartenances
[16] [et]
dépendances, sis à Coudures et Serres-Gaston, consistant
[17] en
maison, de charges, cour, jardin, labourables, vignes
[18] tuyas,
landes, bois et autre nature de fond.
[19] Ce bail est consenti aux clauses,
charges et conditions
[20] suivantes :
[21] Ledit
preneur promet et s’oblige de rester sur la dite
[22] métairie
avec sa famille pendant les trois années ci-dessus
[23] fixée.
Il s’engage à la bien travailler, fumer, [et] ensemencer, à
[24] curer
les reilles, relever les fossés, entretenir la maison et autres
[25] bâtisses
[et] à gouverner le tout comme doit le faire un bon
[26] père
de famille. Il ne pourra couper aucun arbre au pied
[27] sans
la permission expresse du bailleur, [et] pour son chauffage
[28] il
en[..]era les arbres destinés à cet usage sans
[29] anticipation.
Il ne pourra faire de charrois sans la
[30] permission
du maître.
[31] Le
même preneur donnera annuellement pour droits
[32] partiaux
[et] portera gratuitement au domicile du bailleur
[33] savoir :
le onzième par préciput du froment [et] la moitié
[34] du
restant, la semence fournie pour moitié ; les deux
[35] cinquième
de maïs mais la semence fournie par le
[36] métayer ;
les deux cinquièmes des haricots, la semence aussi
[37] fournie
par le métayer ; les deux cinquièmes du lin, la
[38] semence
fournie par le métayer ; le onzième pour
[39] préciput
du vin [et] la moitié du restant, les pieux d’échalas
[40] de
vignes appartiendront au maître ; le tiers des
[41] pommes
de terre.
[42] Ledit
preneur donnera annuellement pour droits
[43] de
redevances [et] portera aussi gratuitement au domicile du
[44] bailleur,
savoir : six francs en numéraire au premier
[45] de
l’an pour étrennes, une paire de poulets à la
[46] S[ain]t Jean, une poule aux vendanges, un pied de
[47] cochon avec le jambon [et] la langue à
la saison
[48] [et] les journées au profit du maître qui
seront demandées
[49] par
ce dernier au métayer, la moitié des soirs [et] la seconde pleine.
[50] Le
bétail sera fourni par le maître [et] il sera
[51] soigné
par le métayer, moitié perte, moitié profit.
[52] Le
métayer ne pourra en tenir d’autre sans la
[53] permission
du maître. Comme il ne pourra le vendre
[54] ni
échanger sans la permission de ce dernier.
[55] Le
revenu de cette petite propriété est évalué
[56] deux hectolittres froment, deux hectolittres maïs,
[57] vingt-cinq litres haricots, cent littres vin [et]
[58] dix francs argent chaque année.Sources :
(1) AD40 – Fonds de l’enregistrement – Bureau de Saint-Sever – Table des baux à ferme et à loyer 1819-1859 – Cote 3 Q 1026
(2) AD40 - Minutes notariales de Maître Beaumont, Jean Marcelin - Notaire à
Monségur – 1855 – Cote 3 E 20 / 764
(3) AD40 - Coudures-Recensement 1856-Cote E DEPOT 86/1F1 – vue 08/20
Il ne faut pas les négliger les acte notariés concernant les baux ! Top article !
RépondreSupprimerMerci Nadège. Cela me donne du courage pour continuer et tenir jusqu'à la lettre Z!
SupprimerTrès intéressant ! Je ne connaissais pas ce terme de colonage, j'ai appris quelque chose.
RépondreSupprimerMerci Christelle pour votre commentaire encourageant.
SupprimerSuper article, clair, complet, très professionnel, bravo Catherine !
RépondreSupprimerMerci Marie-Laure. J'espère que les suivantes seront à la hauteur.
SupprimerJ'avais découvert le colonage à travers ton mémoire. Très intéressant !
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas le terme de bail à colonage, mais la pratique était courante pour mes ancêtres.
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