#Challenge AZ : E comme registre d'Ecrou

Lors de ma première participation au Challenge AZ en 2017, j'avais, à l'occasion d'un article sur mes ancêtres Bourguignons (B comme Bourgogne), évoqué ma Sosa 75, Françoise TARD, qui n'avait pu assister au mariage de sa fille Anne en 1846, car elle était alors incarcérée à la maison centrale de détention de Clairvaux, dans l'Aube. Je n'en savais pas plus à l'époque. 

Depuis, j'ai poursuivi mes recherches sur le site des archives de l'Aube qui a numérisé les de registres d'écrou d'Arcis-sur-Aube, Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine, Clairvaux, Nogent-sur-Seine et Troyes. Un avertissement indiquait cependant que "les archives ne conservent pas la totalité des archives de la Maison Centrale de Clairvaux. Ces dernières, faute de conditions de conservation adéquate à la Maison Centrale sont en effet très lacunaires, voire totalement absentes pour la période entre 1858 et 1915."

Pour une fois, j'ai eu de la chance, car la femme que je recherche a été incarcérée vers 1846. J'ai donc consulté les registres de cette période, et fini par la trouver dans le registre de la période 1836-1849, en vue 306.


Même si elle est ici prénommée Jeanne, c'est bien mon ancêtre, fille de feu Jean B[aptis]te et de feue Françoise DAURET .

AD10 - Registre d'écrou de Clairvaux - 1836-1845 - cote 49Y5 - vue 306/429

Le registre me donne une description physique de Jeanne aussi précise que dans les registres matricules masculins, ce qui est une première pour moi, et constitue la représentation la plus ancienne que je possède d'une de mes ancêtres. Elle mesure 1,62m, a les cheveux et les sourcils châtains, le front couvert, les yeux gris, le nez épaté, la bouche grande, le menton rond dans un visage ovale, et le teint brun. Signes particuliers : il est précisé qu'elle a les oreilles percées, et une cicatrice au côté droit de la bouche. 

Il est consigné à côté l'arrivée de la condamnée à la prison, ainsi que la durée de sa peine (3 ans). 
"Cejourd'hui 28 mai mil huit cent 46 s'est présenté au greffe de la Maison centrale de détention de Clairvaux le sieur Argoud, fondé de pouvoir à la résidence de la voiture cellulaire n°10, porteur d'ordre délivré par M[onsieur] le ministre sous la date du 16 mai 1846 en vertu duquel il m'a fait la remise de la nommé Jeanne Tard condamné à Beaune le 4 avril 1846 ainsi que le constate l'acte de condamnation qui m'a été représenté en extrait et dont la transcription se trouve ci-contre.
La dite Tard Jeanne ayant été laissé à ma garde pour subir sa peine, j'ai dressé le présent acte d'écrou, que le sieur Argoud a signé avec moi après décharge".

Jeanne a donc été condamnée à Beaune (où elle résidait) le 04 avril 1846, puis a été emmenée jusque dans l'Aube pour y purger sa peine. Le voyage a dû être très long à cette époque, pour parcourir en voiture à cheval la distance entre les deux villes (séparée à vol d'oiseau de plus de 150 km).

Grâce au registre d'écrou, je vais pouvoir rechercher le jugement dans les archives de la Côte d'Or, mais ce sera l'occasion d'un autre article. 

Sur la page de droite du registre figure la transcription d'un extrait du jugement ayant conduit Jeanne en prison. 

Et là, bien que je sache qu'il faut arriver à un certain détachement vis à vis de ce que l'on découvre sur ces ancêtres, et ne pas les juger, surtout avec notre regard contemporain, j'avoue que j'ai eu un choc quand j'ai lu l'objet de sa condamnation : 
"Par jugement du tribunal de Beaune en date du 4 avril 1846, la nomme Tard Jeanne, âgée de 42 ans, née à Beaune, demeurant à Beaune, sans profession, déclarée coupable d'avoir excité et favorisé la débauche de sa propre fille âgée de dix-sept ans, a été condamnée à la peine de trois ans de prison, en vertu de l'article 334 du code pénal. La dite a commencé à subir sa peine le 4 avril 1846, jour du jugement."

Si je me réfère à l'arbre généalogique de Jeanne TARD (cf. ci-dessous)  

et aux dates de naissance de ses filles, elle aurait prostitué la plus jeune des deux, Julie, la sœur de mon aïeule Anne. Celle-ci a donné naissance à une fille, Anne, de père inconnu et qui décèdera le lendemain seulement de sa naissance. Partie s'installer à Lyon où elle se mariera quelques années plus tard, Julie y décèdera à son tour le 04/09/1853 à seulement 28 ans. Une bien triste histoire.

Jeanne quant à elle quittera Clairvaux le 04/06/1849 après y avoir purgé la totalité de sa peine, et munie d'un passeport de l'intérieur, rentrera à Beaune pour y finir ses jours. 
Mairie de Beaune - passeports du XIXe siècle, vue 41/533
https://www.geneanet.org/registres/view/32584/41

Son deuxième époux, Jérôme ANDROT est décédé en 1848 durant sa captivité. Jeanne se remariera une troisième fois à Beaune le 03/10/1861 avec Jacques PRIEUR, et décèdera dans cette même ville deux ans plus tard à l'âge de 60 ans.




Commentaires

  1. Merci pour cet article très complet et très intéressant. Effectivement, difficile de ne pas être touché quand il s'agit de nos ancêtres !

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