La lettre du jour me donne l'occasion de parler des archives Militaires, que ce soit via les fiches Matricules, le site Mémoire des Hommes, ou encore le site Grand Mémorial qui vient tout juste de rouvrir à l'occasion des célébrations du 11 novembre.
Ces différentes ressources m'ont permis de retracer le parcours de mon arrière-grand-père Emile IMBRECHTS durant la Grande Guerre.
Par sa fiche matricule, j'ai déjà découvert qu'il avait devancé l'appel de sa classe (normalement, né en 1875, il aurait dû faire partie de la classe 1895), et, le 05 décembre 1893, s'était engagé volontairement pour 4 ans dans le 1er régiment des zouaves.
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Fiche Matricule d'Emile IMBRECHTS
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Emile arrive au corps le 11 décembre 1893. Il restera en Algérie jusqu'au 5 décembre 1897.
A cette date, il passe dans la réserve de l'armée active, affecté au régiment régional d'Infanterie de Mézières St Mihiel (5ème compagnie). Le certificat de bonne conduite lui est accordé.
Le 1er août 1914, lors de la mobilisation générale, Emile rejoint son corps de G.V.C. (Garde des Voies de Communication). D'après sa fiche matricule, il est affecté au secteur B , section H, groupe 9, poste 10. Les secteurs désignés par une lettre concernent uniquement le Gouvernement Militaire de Paris. Je n'ai pas réussi à localiser plus précisément le poste d'Emile; cependant les G.V.C étaient généralement affectés à proximité de leur domicile (en 1914, Emile résidait à Paris).
En août 1914, plus de 200.000 hommes mobilisés pour le service de GVC rejoignent leurs postes de garde. Ils sont affectés à un poste situé dans leur commune ou dans une commune voisine. Ils sont les premiers mobilisés et leur mission est donc de surveiller les voies de communication, afin d’éviter les sabotages sur ces infrastructures stratégiques en tant de guerre : transport des appelés vers leurs régiments, puis des régiments vers le front, ravitaillement du front (armes, nourriture…), évacuation des blessés ou des prisonniers de guerre vers les zones de l’arrière, transmission rapide des ordres… (Publication de la Ville de Villejuif)
Son affectation à ce corps doit être due à la conjonction de deux facteurs :
- Tout d'abord son âge : Emile a déjà 38 ans et est passé dans la réserve de l'armée territoriale depuis le 05/12/1912, dernier stade avant d'être libéré des obligations militaires.
- Ensuite, son secteur d'activité : à son retour d'Algérie, Emile a été employé pendant une dizaine d'années comme homme d'équipe à la Compagnie de chemin de fer d'Orléans. A ce titre, il était inscrit au contrôle des non-disponibles sous le n° 122, du 09 septembre 1898 au 1er août 1907.
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| Emile (à gauche) avec d'autres soldats - Collection personnelle |
Le 12 décembre 1914, Emile est renvoyé provisoirement dans ses foyers, puis, le 17 avril 1915, il est affecté au 27ème Régiment Territorial d'Infanterie de Mamers.
Les régiments d’infanterie territoriale sont constitués de soldats ayant effectué leur service actif et terminé leurs onze années au sein de la réserve de l’armée. Ces hommes, généralement âgés de 35 à 45 ans, sont considérés comme trop vieux et pas assez entrainés pour faire partie de l’armée active. Ces « territoriaux », parfois affectueusement surnommés « pépères », étaient destinés à des tâches secondaires de travaux, de ravitaillement, de corvées ou de surveillance. Mais, face à l’ampleur des pertes humaines et l’enlisement du conflit, ils vont de plus en plus être appelés à exercer le rôle de l’armée active, notamment en première ligne.
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| Construction de tranchées par le R.I.T |
Le 22 mai, son régiment est mis à la disposition du 4ème Corps d'Armée. Il va prendre les tranchées à Bellacourt (sud d'Arras) et la vie dans ce secteur calme et bien organisé lui paraît une vie de repos. Le 10 juin, le régiment quitte Bellacourt pour le secteur d'Agny où, durant un mois, il améliorera grandement la défense et recevra les félicitations des généraux commandant les 84e et 88e Divisions.
Le 7 juillet, le régiment est rattaché au 17e Corps d'Armée et rejoint Arras où il restera stationné jusqu'à la fin de février 1916. C'est une période rude et pénible, dans cette ville où les canons allemands accumulent les ruines. Un bataillon occupe les tranchées de première ligne à Saint Sauveur et à Ronville, tandis que l'autre occupe la ligne intermédiaire de défense.
Au sortir des tranchées, le régiment assure sans relâche les travaux de fortification que les obus allemands s'attachent à détruire. Il réorganise les défenses de la ville et établit pour la garnison une ceinture d'abris puissants et complète les positions qui barrent la vallée de la Scarpe.
Lors de l'offensive du 25 septembre 1915, le régiment prend part aux travaux d'approche sous les bombardements les plus violents. Les 2e et 3e bataillons occupent pendant l'attaque les tranchées de la ligne intermédiaire de soutien, tandis que le 1er bataillon participe au mouvement en ravitaillant les troupes d'assaut.
Selon le site Mémoire des Hommes, le 25/09/1915 aurait été le jour le plus meurtrier de l'histoire de l'armée française, lors des offensives de Champagne et d'Artois, avec 23.416 tués.
Après l'offensive de septembre, les bataillons sont adjoints aux unités actives. Ils forment à tour de rôle le 3e bataillon du 207e R.I et contribuent à la défense des quartiers d'Agny, d'Achicourt et de Blangy.
Début 1916, le régiment quitte l'Artois, où il a perdu 38% de son effectif total, et est dirigé vers la Lorraine, dans les environs de Nancy, où il est employé à des travaux forestiers, une période de répit après ces combats.

Le lundi de Pâques 1916, le régiment quitte la Lorraine pour la Champagne, près de Valmy.
Ses bataillons occupent la 2ème ligne de la région de Beau-Séjour, de la butte du Mesnil, et de la Main de Massiges, à l'extrême droite de l'armée de Châlons.
Sous les feux de l'artillerie ennemie, le régiment s'efforce de maintenir ses tranchées et ouvrages défensifs.
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| Secteur de la Main de Massiges |
Fin juillet 1916, le régiment est affecté au Groupement Ouest de l'Armée de Châlons et part occuper le calme secteur de Prosnes, au pied du massif de Moronvillers.
Le 27e, fidèle à sa tradition et aux travaux entrepris, y réalise la défense de la voie Romaine et du centre de résistance de Prosnes.
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| Soldats du 27e R.I.T à Prosnes - Août 1916 |
Le 10 décembre 1916, Emile est affecté au 20e escadron du Train de la IVe Armée, dans la section T.M 17 (Transport de Matériel), au service automobile.
Le 20e escadron était affecté au Gouvernement Militaire de Paris et stationné à Versailles, où l'installation d'un parc d'organisation automobile lui a valu par la suite l'affectation de plus de 1000 unités automobiles.
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| La Voie Sacrée |
Le trop grand nombre d'unités automobiles rattachées au 20e Escadron du train et les nombreux changements d'affectation survenus durant toute la durée de la guerre n'ont pas permis l'établissement d'un historique des opérations auxquelles ont pris part celles-ci. La seule information disponible est la date de formation (11/08/1914) et de dissolution (01/06/1919) de la section 17 de transport de matériel.
Je ne sais donc pas précisément où Emile se trouvait lors des 2 dernières années de guerre.
Le 5 décembre 1918, il est définitivement libéré de ses obligations militaires, et rentre à son foyer, au 203 rue Saint Honoré à Paris.
S'il a survécu à la Grande Guerre, ce n'est pas sans séquelles puisque après être passé devant plusieurs commissions de réforme successives, Emile est réformé définitivement avec une pension d'invalidité de 40% puis de 60% pour troubles psychiques.
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Carte du combattant d'Emile IMBRECHTS - Collection personnelle
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| Carte de priorité d'Emile IMBRECHTS - Collection personnelle |
Encore un article très bien documenté !
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